L'adolescent et son image by Maïdi Houari

Auteur:Maïdi, Houari [Maïdi, Houari]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Armand Colin
Publié: 2012-11-15T05:00:00+00:00

Éthique et esthétique de la douleur dans la culture gothique

Le corps mélancolique

Assez populaires auprès des adolescents, la culture et le mouvement « gothiques » ont un rapport particulier au corps et à l’identité. Certains adolescents aiment afficher un style gothique inspiré par le romantisme noir où le corps est conçu comme un « objet d’art ». Le corps est, en effet, présenté comme une « œuvre d’art », et donc mis en scène. Les adolescents « goths43 » ou « gothiques » ont un look vestimentaire distinctif qui obéit aux allégories du courant romantique et mélancolique. Aussi, au-delà de l’attrait singulier pour l’ambisexe, l’androgynie vestimentaire, l’ambiguïté de genre et le goût pour le travestissement, les adolescents gothiques ont une fascination pour la mort et les limites du corps. Le beau est recherché à travers les images morbides. Refusant la culture de masse et de mass-media, le goth est à contre-courant des représentations convenues de l’idée du beau. Au contraire, le mouvement gothique subversif défend ses propres idées éthiques et esthétiques. Ses adeptes considèrent la beauté du corps précisément dans sa laideur. Il s’agit pour eux de déconstruire l’idée commune et conformiste du beau. En ce sens, les adolescents en quête d’identité, de temporalité44 et d’originalité trouvent toute leur satisfaction.

La culture gothique associe le beau au laid et au mal. Son slogan favori pourrait se résumer de la sorte : « Le beau est dans le mal. » D’ailleurs, Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire constituent, pour les goths, le recueil de poésie de prédilection. À ce titre, rappelons cette phrase éloquente de Baudelaire : « Moi je dis : la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute la volupté45. »

Si la culture gothique plaide pour le mélange du narcissisme avec le masochisme46 dans la quête d’une esthétique de la douleur où le corps est mortifié, la chair à vif, c’est parce que justement, elle revendique fermement le désir de vivre. À cet effet, elle interpelle précisément sur le « caractère éphémère » (Vergänglichkeit), limité et mortel du corps. Le spleen baudelairien et le noir de la mélancolie et de la mort sont l’expression d’un véritable hymne à l’amour et à la vie.

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